La masculinité est une construction sociale de ce qui est culturellement approprié pour les hommes. En occident, la masculinité idéalisée, glorifiée et dominante repose sur le leadership, la force physique et la virilité. Ces aspects de l’identité masculine sont mis au défi lors de transitions normales du cycle de vie avec l’avancement en âge.
Deux constructions sociales du genre apparaissent quant au vieillissement et à la masculinité. D’une part, une vision fortement répandue repose sur l’idée que les hommes âgés sont désavantagés par rapport aux plus jeunes. En effet, les critères sur lesquels se base la masculinité dominante renvoient à la productivité, la santé, la force physique, l’autonomie et la performance sexuelle qui sont toutes des sphères pouvant être affectées par l’avancement en âge. Le vieillissement et les changements sociaux qui l’accompagnent peuvent donc être perçus comme une menace aux habiletés d’incarner la masculinité. Par exemple, si l’on conçoit qu’un homme viril doit être fort, la perte du tonus musculaire, naturel après un certain âge, menace l’idée que l’on se fait de la virilité et, par le fait même, menace son identité. D’une autre part, on voit apparaitre une association entre l’âge et le pouvoir, la richesse, les loisirs et la sexualité active. On encourage ainsi les pratiques de santé et le travail corporel. Cette vision est cependant liée à la capacité de consommer, ce qui invisibilise les inégalités socioéconomiques. En d’autres mots, les hommes qui ont les moyens financiers d’acheter une voiture luxueuse, des vêtements de marque et de passer au barbier une fois par semaine sont avantagés par rapport à ceux n’ayant pas les moyens de le faire. Pour ainsi dire, cette nouvelle conception de la masculinité âgée « réussie » met de l’avant les hommes à l’aise financièrement qui n’éprouvent aucun problème de santé et parviennent à rester actif physiquement. Ainsi, les hommes ayant une santé leur permettant de faire du ski alpin, d’aller à la salle de sport et de faire du vélo sont avantagés par rapport à ceux ayant un niveau de santé qui ne leur permet pas de pratiquer certains sports. On met donc à l’écart toute une partie de la population qui ne répond pas à des critères idéalistes. Ces deux constructions sociales du genre ne reflètent pas la réalité de la majorité des hommes âgés et sont indéniablement réductrices. Se détacher de ces représentations prédit un ajustement au vieillissement beaucoup plus en harmonie avec les réalités variables et subjectives de chacun.
Plusieurs conséquences sont associées à l’adhérence à des standards stricts de la masculinité. Parce que la vulnérabilité, la perte d’autonomie, et la faiblesse physique sont relevées comme incohérentes avec l’idée de la virilité, on observe que certains hommes ont tendance à minimiser l’ampleur de leurs soucis de santé. Certains iront même jusqu’à nier ou supprimer l’expression de leur souffrance physique ou émotionnelle, s’engageront dans des comportements à risque (par exemple la poursuite de la pratique de sports qui ne sont pas adaptés à leur condition physique) et éviteront de consulter des professionnels de la santé à cet effet. On entend dans certains discours le sentiment d’être émasculé en regard du déclin des habiletés sexuelles et physiques qui vont de pair avec la réalité du vieillissement. La maladie, la retraite et le veuvage sont relevés comme des transitions qui mettent au défi le sentiment de masculinité de certains individus puisque la perte d’autonomie, la faiblesse physique et le sentiment d’être un fardeau pour les autres sont des expériences associées à ces transitions.
Qu’en est-il des éléments facilitant ce processus ? Les hommes qui vivent en harmonie avec les transformations identitaires réinterprètent leur masculinité en réponse aux changements de vie. La résilience et l’acceptation de l’évolution de la masculinité d’années en années permettent de vivre en cohésion avec les changements occasionnés par le vieillissement. Par exemple, si l’on a pensé toute notre vie que le travail et la productivité nous définissaient en tant qu’homme, l’arrivée de la retraite peut être perturbante pour notre identité. Si l’on suit cet exemple, une réinterprétation de la masculinité peut être faite en se disant que finalement, c’est le travail manuel qui définit notre masculinité et non le fait de pourvoir à la famille. Le fait d’être toujours en mesure de s’occuper de notre terrain ou des réparations de la maison peut donc suffire à maintenir intacte notre masculinité. En ce qui a trait aux difficultés érectiles spécifiquement, leur conceptualisation en tant que processus normal du vieillissement plutôt que comme un échec à la masculinité permet l’entretien d’un sentiment plus positif de leur identité. La capacité d’érection d’un individu ne définit pas sa valeur en tant qu’homme. Les difficultés érectiles sont courantes et font partie de l’expérience d’une grande majorité d’hommes âgés. Ces changements dans la sexualité peuvent également être vécus comme un signe de maturité et une opportunité de porter son attention sur d’autres aspects importants de leur identité comme la famille, par exemple.
Le fait de laisser derrière soi la culture de l’hyper masculinité peut être vécu comme une libération pour les hommes qui se voient offrir une opportunité de reconnaitre et de cultiver des aspects de leurs personnalités qu’ils avaient précédemment cachés ou supprimés. L’avancement en âge peut être vécu comme une réflexion sur la manière dont la masculinité a évolué au cours du temps. C’est l’opportunité d’explorer certains aspects de notre personnalité qui nous étaient jusqu’alors méconnus ! Se libérer des pressions à performer le genre c’est se donner le droit d’être qui l’on veut ; c’est se donner la chance de se découvrir et de s’imaginer autrement !
Sources :